Si je fais le point sur ces 3 dernières années, j’ai un peu l’impression de changer de système. Ou plutôt qu’une mue est en cours.
Je suis toujours la même personne. Je ne trouve pas avoir intrinsèquement changé, et pourtant je suis légèrement différente, peut-être plus confiante et plus sereine. Enfin pas tous les jours : avec la fatigue, le stress, les aléas du quotidien et certains changements, l’ancien système revient au galop, comme s’il était tapis dans l’ombre, près à ressurgir au moindre faux pas.
Conscientiser le fait que je n’allais pas bien. Ralentir ce rythme qui ne me convient plus. Extérioriser auprès d’une professionnelle adéquate et de mes proches.
Et après, ce fut comme un engrenage où tout s’enchaîne.
Les premières étapes ont pris un peu de temps, je dirais des mois avec cette impression de vivre dans un brouillard, de ne pas comprendre pourquoi ni comment m’en sortir.
Une fois que je me suis mise en action, avec ce mantra continue en tête : « je sais que ce n’est pas mon état naturel, je sais que je peux me sentir mieux, je me suis déjà sentie mieux », j’ai eu l’impression que le brouillard s’épaississait, que les choses empiraient.
Mes croyances sur le pourquoi j’allais mal (le manque de sens au boulot, certaines relations familiales, etc.) se sont révélées être la face cachée d’un autre malaise plus profond : je n’étais pas heureuse dans ma relation amoureuse et malgré des mois de discussions, je ne voyais pas d’amélioration. Je n’arrivais à en parler à personne autour de moi, et pourtant certains proches sentaient bien que je dépérissais. Ce soutien a été salvateur les mois qui ont suivi avec la séparation, le déménagement, les vagues émotionnelles à surmonter.
Je ne m’en serais jamais sortie toute seule.
Ce premier verrou sauté a mis en lumière, le fait que je souhaitais absolument être acceptée, faire partie du groupe, au détriment parfois de ma santé physique et mentale. Je me retrouvais donc (et me retrouve encore un peu aujourd’hui, on change pas un système de 30 ans en 3 ans !) à accepter des choses qui ne me conviennent pas, à dépasser mes limites parce que c’est comme ça que ça doit se passer et que je serais acceptée, que j’aurais l’amour de mes pairs.
Je ne me suis pas sentie respectée, ou plutôt je n’ai pas été respectée plus d’une fois au boulot, dans mes relations amoureuses, amicales et familiales. J’ai accepté, courbé l’échine, n’aie pas su dire non dans des situations de la vie de tous les jours alors que ça ne me convenait pas, parce que j’avais l’impression que c’est ce que je devais faire ou que je ne pouvais pas avoir autre chose, que je ne méritais pas mieux (rester dans un environnement professionnel qui me convenait de moins en moins par exemple).
C’était difficile pour moi de poser des limites claires et de les faire respecter car je n’ai pas appris à le faire (mieux vaut tard que jamais) de part mon histoire familiale mais aussi en tant que femme et en tant que personne noire, dans cette société qui nous en demande toujours plus. J’ai donc appris à en faire toujours plus pour être sûre de mériter ma place et de justement, être respectée financièrement, professionnellement, etc. Il est beau le serpent qui se mord la queue, hein !
I tried to keep myself busy
I ran around circles
Think I made myself dizzy
I slept it away, I sexed it away
I read it away
Alors comment je change d’un système qui ne me convient plus à quelque chose de plus conforme à qui je suis, qui je souhaite être ?
J’ai d’abord défini ce qui n’allait pas et ce que je voulais changer dans ma vie : un travail plus épanouissant, des relations plus apaisées.
J’ai réfléchi à comment je voulais me sentir dans ma tête et dans mon corps : avoir plus confiance en moi, retrouver une bonne estime de moi, me sentir plus légère.
J’ai aussi clarifié mon pourquoi : être en bonne santé physique et mentale, me sentir bien dans mes baskets.
Et j’ai mis progressivement en place des actions par le biais de nouvelles habitudes et de routines quotidiennes : mieux dormir, moins boire d’alcool, manger de façon plus équilibrée, pratiquer du sport régulièrement, etc.
J’essaie d’être patiente. Rome ne s’est pas fait en un jour et j’intègre petit à petit le fait que le chemin est aussi important que l’arrivée. Je me félicite et me récompense régulièrement par des petits plaisirs : prendre un bain, me faire masser, manger du popcorn.
J’accepte d’être imparfaite. C’est impossible de faire tout bien et puis qu’est-ce que faire bien ? J’essaie de moins culpabiliser, notamment quand je n’ai pas pris le temps de faire du sport ou que je succombe à un peu trop de sucre.
Par exemple, quand j’ai commencé à vouloir boire moins d’alcool, j’ai eu des rechutes de binge drinking lors d’occasions festives. L’envie d’être acceptée socialement était plus forte que mon envie de ne pas boire. Bah c’est ok, c’est un process qui prend du temps. Aujourd’hui ce n’est plus le cas, j’apprécie des boissons alcoolisées de temps en temps parce qu’elles me font plaisir et pas parce que je m’y sens obligée.
J’essaie de ne rien prendre personnellement. C’est un des accords toltèques, l’un des plus difficiles pour moi. Quoi qu'il arrive, n'en faites pas une affaire personnelle. La réaction des autres vis-à-vis de moi est liée à leur histoire, leurs projections, leurs envies ou difficultés.
Pour donner un exemple, être une femme célibataire de 33 ans sans enfant, apporte son lot de challenges. J’ai autant d’ami.e.s en couple, mariés que célibataires, avec ou sans enfant. Mes parents sont chills, je le vis bien. Je ne me sens pas anormale et puis je parlais de pause récemment, je choisis ce célibat car j’en ai besoin, ayant été essentiellement en couple ces dernières années. Et pourtant, y’aura toujours quelqu’un, plus ou moins proche, pour me demander, à quand la prochaine relation. Comme si ce célibat était anormal.
Et puis cette fameuse horloge biologique, avec les ovules qui, plus l’âge avance, perdent en qualité... Est-ce qu’on pourrait moins mettre la pression aux femmes et aller regarder au niveau des spermatozoïdes aussi svp ?
Je tente d’arrêter de juger. C’est aussi vraiment difficile à appliquer pour moi. J’aime avoir un avis sur tout, donner des conseils à mes proches. Ça m’est arrivé de critiquer telle ou telle personne avec l’intime conviction que j’aurais mieux fait.
Je pense de plus en plus que c’est un leurre. Ça me maintenait dans une posture de sachant alors que je ne sais rien, je découvre la vie et ses surprises comme tout le monde, à mon rythme. Et de la même façon que je déteste qu’on me dise quoi faire, qui suis-je pour dire aux autres ce qu’il y a de mieux pour eux ?
J’essaie maintenant de donner mon avis et des conseils s’ils sont demandés et de plutôt rester une oreille attentive la plupart du temps ; car je suis personnellement vraiment à l’écoute des avis extérieurs quand je les demande, pas quand ils me sont imposés.
Et enfin j’essaie de ne plus me comparer. Chacun.e son chemin, son rythme, son histoire. Ils sont tous autant légitimes, uniques mais en même temps liés à son entourage, son environnement. J’essaie de me voir comme un maillon de la chaîne avec mes propres spécificités. On dit apporter sa pierre à l’édifice. J’ai le sentiment que la société nous individualise un peu trop et nous rend responsable de tout, alors que je vis d’autant mieux en ayant des liens sociaux vrais et authentiques. En étant acceptée pour qui je suis sans artifice et donc en acceptant aussi l’autre dans sa différence.
Pour conclure, je découvre chaque jour un peu plus qui je suis en passant du temps avec moi, en partageant mes expériences de vie, en écoutant / découvrant celles des autres. Je trouve que ce dernier point est une belle façon d’apprendre, de s’enrichir ou encore de faire preuve d’empathie avec d’autres histoires de vie.
C’est difficile de parler de soi. Certains disent que c’est le travail de toute une vie.
En thérapie : Saison 2, Episode 4 - Dr Dayan
❤️❤️❤️
Merci pour cette belle lettre, je pense qu’on s’y retrouve tous un peu… en tout cas ça me parle beaucoup ❤️ je pense que des fois apprendre à mieux se connaître c’est aussi se retrouver un peu, retrouver ce qui nous faisait vibrer enfant, ce qu’on voulait, qui on pensait être 😊😘