On ne dirait peut-être pas comme ça, mais je n’ai pas toujours raconté ma vie aussi librement.
Mes amis d’enfance ont su très tard (peut-être 2 ans après) que mes parents divorçaient. J’ai attendu le milieu de ma vingtaine avant de parler du fait que j’étais boursière pendant ma scolarité. Je n’ai pratiquement jamais montré mes cheveux naturels aussi longtemps depuis 2025 (bientôt 4 mois et ils poussent !).
J’ai grandi dans un milieu plutôt conservateur, blanc et riche (coucou Versailles), je suis allée dans un très bon lycée et j’ai fait de longues études (vous pouvez m’appeler Docteur !). J’ai grandi avec la pensée qu’il fallait s’intégrer, ne pas faire de vagues, réussir en se fondant dans la masse et en gagnant bien sa vie.
Je n’ai pas beaucoup raconté ce qui se passait intimement dans ma vie jusqu’à récemment car je me disais que ça n’intéressait personne. Je suis de nature plutôt timide et inconsciemment j’ai eu honte. Pas vraiment de mes origines camerounaises, j’ai eu la chance que ma mère nous y emmène régulièrement avec mes sœurs pour voir notre famille et pour être proche de cette identité culturelle. J’y ai aussi voyagé avec des amies, un amoureux et je continue à y aller quand j’en ai envie.
Non, j’ai eu honte pendant longtemps d’être pauvre, de vivre dans une petite maison tou.tes.s entassé.e.s, d’avoir une famille non conventionnelle, de ne pas pouvoir m’acheter des affaires de marque. D’être différente par la couleur de ma peau.
Je tentais tant bien que mal de masquer ces aspects en n’en parlant pas ou très peu. Plus jeune, je me montrais au maximum sous mon meilleur jour : la fille sympa toujours présente pour les autres, motivée pour faire la fête, du même avis que la majorité.
Dans les années 2000, j’avais peu de représentation de personnes comme moi et je voulais donc être et faire comme ce que je voyais au sein de mon environnement proche, les magazines ou encore le cinéma1.
En me confiant peu, je gommais ces aspects qui pouvaient me différencier et alors m’éloigner des autres.
Pourtant, une partie de ma famille au Cameroun est considéré comme fortunée, j’ai par conséquent grandi avec cette dualité, et j’ai appris au fil du temps que la richesse est en somme quelque chose de très subjectif, fonction de là d’où tu vis et surtout dicté par certains. Je me sentais pauvre financièrement et j’ai toujours voulu bien gagner ma vie pour m’éviter un stress financier, probable résidu de mes traumas de jeunesse.
Je me sentais aussi pauvre culturellement car j’avais d’autres références par rapport à mes ami.e.s : on ne regardait pas ou très peu la télé à la maison, les sorties dites “culturelles“ se faisaient essentiellement dans le cadre de l’école. J’ai commencé à visiter la France d’abord grâce aux colonies de vacances, où j’ai pu notamment apprendre à skier puis snowboarder. Je n’avais pas de maison de vacances à la campagne, je faisais des petits jobs pendant les étés, j’ai choisi mes études avec soin pour qu’elles ne soient pas trop coûteuses.
À contrario, je connaissais l’histoire de mes parents et leurs traditions. Je portais des box breads avec fierté, mes papilles étaient habituées aux saveurs d’Afrique de l’Ouest et je rendais visite à la famille, éparpillée en Europe et aux États-Unis. J’entendais quotidiennement différentes langues à la maison. Et je savais cuisiner, faire le ménage et gérer un budget avant le début de mes études. Bref, tout n’était finalement qu’une question de perspective.
Aujourd’hui, avec le recul, je remercie notre mère d’avoir favorisé notre éducation plutôt que notre apparence. Vivre dans un milieu aisé même si nos finances ne suivaient pas toujours, m‘a permis de rêver plus grand, de côtoyer des environnements différents et en même temps similaires. Je me disais que c’était possible et que moi aussi je pouvais y arriver. Parfois au détriment de ma santé mentale2.
J’ai encore souvent l’impression d’être un caméléon : de ne pas être pleinement acceptée ni en France même si j’y suis née et j’y ai grandi, ni au Cameroun même si je suis noire car je n’y ai jamais vécu et je n’ai pas les codes.
Le contexte politique des dernières années n’aide pas et ne va malheureusement pas en s’arrangeant. J’ai longtemps essayé d’être une “bonne noire docile“ malgré la charge raciale qui s’y accompagne, mais à croire qu’il en faut toujours plus.
…cette charge entraîne parfois des relations amoureuses déséquilibrées voire dangereuses pour leur santé mentale. En milieu professionnel, se créent de l’auto-sabotage couplé à la peur d’être démasqué (syndrome de l’imposteur.e), et enchaîner les postes CDD et les bas salaires - bref : on accepte ce qu’on voudra bien daigner nous donner.
Extrait de : Qu’est-ce que la charge raciale qui pèse sur les personnes non-blanches, de Douce Dibondo
J’ai pensé trouver un eldorado en Allemagne , être une étrangère parmi les étranger.ère.s. et pouvoir y rouler ma bosse (entre autres). Maintenant je rentre en France, avec un mindset évolué et l’envie d’arriver à être moi-même : fière d’être française et noire, m’accepter et être acceptée pleinement pour qui je suis.
Quelques sorties qui m‘ont récemment marquées :
le film Fanon, actuellement au cinéma, sur Franz Fanon, chef de service en psychiatrie en Algérie pendant la colonisation
Le journal d‘une femme nwar, disponible sur Arte, journal intime d‘une amitié3
Si vous avez regardé la performance de Kendrick Lamar lors du dernier Superbowl, j’ai bien aimé la vidéo ci-dessus, explicative de quelques symboles présents.
Le titre de la lettre du jour est inspiré d’un livre que j’ai lu il y a deux ans : #Être soi suffit - créer sa vie en étant soi, de Lyvia Cairo.
Les choses évoluent positivement depuis l’avènement de l’internet et des réseaux sociaux et c’est super chouette.
Ce film revêt une saveur particulière car j‘ai joué quelques années au basket avec Rose-Marie dans le célèbre club d‘une autre star de renom…!
Tu es ton meilleure alliée, continue ainsi !
Être pleinement TOI devrait suffire.
Dans tout passage, il y a des obstacles.
Tu t’aimes profondément et tu t’acceptes complètement.
C’est dingue que je découvre encore des choses sur toi grâce à ces mots alors que je pensais te connaître par cœur et c’est très beau aussi.